Salut Digi-Code,
Oui, il y a des lampes à acétylène exposées dans la lampisterie du
Musée du Cheminot d'Ambérieu dont une, fonctionnelle, qui sert pour les démonstrations aux visiteurs. Un vrai bonheur, lorsque le guide annonce (de préférence) au jeune public incrédule (enfants ou élèves des classes primaires) qu'il va « faire brûler des pierres », de voir la stupéfaction générale quand la flamme jaillit.
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Pour l'origine de ta lampe, aucun doute, elle est estampillée S.N.C.F, donc à compter du 1er Janvier 1938. Je ne vois nulle part le nom du constructeur alors qu'il devrait se trouver gravé sur le chapiteau (l'arrondi sous la poignée) côté opposé à l'inscription S.N.CF (à moins qu'il n'ait été apposé sur une plaque soudée ou rivetée, égarée ensuite). Autre hypothèse : la partie de la lampe portant l'inscription du constructeur (carburateur, réservoir ou chapiteau) a été remplacée suite à une réparation. Je pense cependant qu'il s'agit d'une fabrication de la Société DEHAIL et GRENIER. La hauteur doit être de +/- 32,5 le corps vitré de +/- 13 x 12,5 cm et la base du carburateur de +/- 15,5 cm de diamètre pour un poids d'environ 2,2 kg (dimensions, poids et contenances sont variables suivant le fabricant). Par déduction, sans aborder ici le coloris des verres des codes de signalisation, il est possible de définir le service utilisateur de l'appareil (réserve de becs dans la poignée = chef de train ou agent de gare). Quant à la date de fin de service de ce type de lampe à acétylène à la S.N.C.F, il est assez difficile d'être précis ou d'avancer des affirmations catégoriques, même si l'on peut considérer comme probable la fin des années 1960/début des années 1970.
Avant la création de la S.N.C.F au 1er janvier 1938, ce sont les grandes compagnies privées qui se partagent le réseau ferré français. Chacune d'elles fabrique donc des lampes spécifiques ou les fait réaliser par l'industrie privée (POYARD, Applications Industrielles de l'Acétylène rebaptisé plus tard Établissements Albert BUTIN, Société DEHAIL et GRENIER, Société MAISONNEUVE, COCHET BARRIOLE et Cie, Appareils d'éclairage H. LUCHAIRE, Société EPERVIER GILLET et Compagnie - qui fusionne avec les Ets BUTIN après la Seconde Guerre Mondiale -). Ceci explique que, pour des finalités d'emplois similaires, les lampes à acétylène diffèrent par des détails de construction : dimensions, formes ou aspects différents selon la compagnie utilisatrice. D'autant plus que chacune privilégie dans le temps ses choix techniques et esthétiques, critères souvent définis dès les origines de la Compagnie.
A l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, la SNCF entreprend l'unification de toutes les lampes à acétylène. Progressivement, et au fil des pertes, de la casse ou de l'usure, les nouveaux modèles mis en service se substituent aux lampes héritées des anciennes compagnies. Il n'est pas rare non plus qu'après de multiples passages par la lampisterie pour réparations, des pièces de la compagnie d'origine soient remplacées et échangées par des mêmes pièces unifiées S.N.C.F avant la remise en service de la lampe (qui possède alors par exemple, un réservoir à eau estampillé P.L.M et un carburateur gravé S.N.C.F).
Quelques caractéristiques sont propres aux modèles SNCF et n'apparaissent pas sur les versions diffusées sur le marché public :
- la poignée des lampes de chefs de train et agents de gare abrite une réserve de becs (qui se trouve dans un tube soudé sur l'extérieur de la lampe pour les autres types),
- la partie inférieure de la lampe recevant le carbure (carburateur) possède un volume plus important (autonomie augmentée),
- les crans à la base de la vis pointeau avec blocage du système (ressort ou épingle sous le robinet de manœuvre) assurent un réglage précis et stable du débit d'eau par "goutte à goutte".
L'évolution technologique et les progrès industriels aidant, l'éclairage électroportatif remplace peu à peu les lampes à carbure à partir de l'année 1949 (du moins à Ambérieu). Synonyme de modernité, ces nouvelles lampes à piles gagnent rapidement la ferveur des cheminots (meilleur éclairage, plus grande autonomie, simplicité d'utilisation, sans réglages, …). Alors que certains restent attachés à leur lampe à acétylène avec le secret espoir de s'en servir encore longtemps, d'autres au contraire n'hésitent pas à détériorer la leur pour percevoir un modèle électrique en remplacement.
La généralisation des lampes à piles entraîne un moindre emploi de celles à acétylène et engage un processus irréversible. La baisse de fréquence d'utilisation et par voie de conséquence, des commandes pour renouveler le matériel défectueux accélère le déclin puis l'arrêt de fabrication des lampes à carbure et des pièces de rechange (bec, robinet, pointeau …). Les becs de la marque britannique BRAY étaient les plus répandus en France au début du XXe siècle mais les becs LECOQ, fabriqués jusqu'à la fin des années 1980, sont plus faciles à trouver dans les brocantes et les vide-greniers. A noter les becs français BULLIER, GALLIA et EVIAN, moins connus, commercialisés vers 1920. A l'étranger, les becs espagnols INAR et les becs allemands HELIOS sont encore très courants.
Dans le domaine des installations électriques "fixes", un autre exemple sur Ambérieu au travers d'extraits du livre de Gérard JOUD (Voies Ferrées de l'Ain – tome 2) pour imaginer la complexité de l'affaire : l'éclairage de toutes les installations P.L.M de la gare, du dépôt, des faisceaux et des bâtiments annexes est produit par une usine à gaz construite en Mars 1880 et qui fonctionne jusqu'en 1924. Une seconde usine à gaz (début de construction 19 Septembre 1922) alimente ces mêmes installations au gaz naturel d'hydrocarbures (provenant d'un puits situé sur une commune proche d'Ambérieu) de 1924 au 28 Février 1961. Les principales rues d'Ambérieu sont électrifiées en 1922/1923 (exploitation privée, la création d 'EDF date du 8 Avril 1946). Les consoles soutenant les lignes aériennes sont scellées contre la façade des maisons mais bon nombre de propriétaires ne voient pas l'utilité d'électrifier l'appartement. Tous les bons et mauvais motifs sont invoqués : coût de l'installation électrique, cherté de l'électricité, danger d'électrocution, risques d'incendie … Tant et si bien que lors de la Seconde Guerre Mondiale, près d'une maison sur deux s'éclaire encore à la lampe à pétrole !
Cordialement,
C. Delarnaque