Salut Guy,
Me voici, presque à l'heure
, et sous réserve que mes nombreux remaniements de paragraphes et opérations "supprimer/couper/copier/coller" au clavier n'aient pas laissé passer trop d'âneries malgré ma relecture. N'ayant pas effectué de mises à jour récentes de mes infos – qui datent un peu je l'avoue – il est fort possible que certains paramètres soient obsolètes ou vraiment plus d'actualité aujourd'hui. J'espère que ton ami Philippe pourra rectifier mes éventuelles boulettes.
Le Crocodile : (surnom familier donné par les cheminots à cet équipement de signalisation dont la forme évoque celle du dos de l'animal évoluant dans l'eau).
Le premier dispositif de répétition des signaux, créé par les ingénieurs Lartigue et Forest de la Compagnie des Chemins de Fer du Nord, est testé le 29 Juin 1872 sur la ligne de Soissons (200 km de voies équipées de crocodiles). Au cours des essais du 1er Juillet au 1er Décembre 1872 (machine Crampton 165), 14 952 km sont parcourus sans anomalie. Le dispositif est installé à 200 mètres en amont du signal et se compose d'une pièce de chêne de 4 mètres, préalablement trempé dans l'huile de lin bouillante et recouverte d'une plaque de cuivre jaune. Lorsque le disque est fermé, le crocodile est relié à une source électrique (alimentation par piles) et déclenche sur la machine qui le franchit un sifflet spécial dont l'alimentation (vapeur) est verrouillé par un levier appliqué contre un électro-aimant. Le courant est capté par une brosse métallique formée de fil de cuivre dur et fixée sous la machine (roue et rail constituant le retour). Au franchissement d'un signal fermé, le courant qui s'établit au contact de la brosse annule la force d'attraction de l'électro-aimant et le sifflet s'ouvre au moyen d'un ressort.
En 1877, le système Bancerali et Delebecque de la Compagnie des Chemins de Fer du Nord complète le dispositif. En supplément du sifflet, le crocodile agit sur le frein à vide et stoppe le train – même avec le régulateur en position ouverte – en 30 secondes à 80 km/h (450 mètres). En 1882, sur 548 crocodiles en service, on ne signale que dix "ratés" et sur un million de passages, il n'y a que quatorze "ratés" provenant de la brosse, du tassement du crocodile ou d'un défaut de piles. L'appellation crocodile apparaît en 1883. En 1894, le Nord abandonne l'action du crocodile sur le frein et opte pour le seul déclenchement du sifflet (parce qu'on pensait qu'il n'était pas bon d'agir sur les freins en dehors de la volonté des mécaniciens). Le ministère des Travaux publics enjoint en 1896 les Compagnies à mettre en service un dispositif fiable mais sans obtenir autre chose qu'une multiplication de systèmes expérimentaux. Le 18 Septembre 1899, une circulaire invite les compagnies a étudier un appareil destiné a reproduire sur les machines les signaux d’arrêt, les signaux avertisseurs aussi bien qu'enregistreurs à l'attention du mécanicien.
Le 30 Avril 1902, une nouvelle circulaire invite les compagnies à indiquer l'appareil retenu en prévision d'une mise en œuvre au 1er Janvier 1903. En 1907, les Compagnies de l'Est et du PLM s'orientent vers le système Nord. Les essais se poursuivent (occasionnant la parution de nouvelles circulaires en 1911 et 1913) avec différents dispositifs mais en privilégiant le crocodile qui est employé depuis 20 ans sur le Nord. En 1920, le ministre des travaux publics Yves Le Trocquer demande aux compagnies ferroviaires, par circulaire encore, d'équiper leurs voies et leurs machines de la répétition des signaux à compter du 1er Août 1922 à la suite de nombreux accidents et incidents (la situation sur le réseau de l’État était de 2913 appareils de voie installés au 31 décembre 1922). L'application générale des circulaires n'est effective qu'à partir de 1925 mais les modèles en service sont encore de plusieurs types. Suite à la catastrophe de Pomponne (près de Lagny en Seine et Marne) en 1933, l'État impose aux compagnies ferroviaires d'équiper les réseaux de la répétition des signaux en cabine. Cette répétition des signaux (boucle de rattrapage) doit attirer l’attention du mécanicien lors du franchissement de certains signaux fermés. Le crocodile à bouchons de pétrole suintants devient le modèle unifié 1939. Il est abandonné vers 1950 au profit du type ondulé actuel.
(Source : revue Historail n° 29 – Avril 2014 – notes relevées aux Archives du Musée du Cheminot – Ambérieu en Bugey).
La répétition des indications d’un signal ainsi que celle d'un point d'information DAAT (Dispositif d'Arrêt Automatique des Trains) est assuré par un circuit électrique établi par le frottement d'une brosse métallique isolée installée sous l’engin moteur sur un contact fixe (crocodile) posé au sol et mis sous tension par un commutateur actionné par le signal. Le crocodile est mis en charge positivement ou négativement selon que le signal à répéter est fermé ou ouvert, ce qui transmet une information en cabine de conduite. Des dispositions techniques sont prises pour que la répétition du signal ne soit assurée que pour un sens de circulation afin d'éviter, entre autre, des répétitions à revers sur les voies susceptibles d'être parcourues par des trains dans les 2 sens.
A l'origine, la répétition des signaux était à "double répétition sonore" :
- signal fermé : le crocodile est sous tension de 12 à 18 volts, le positif au crocodile, le négatif au rail. Lorsqu'une machine passe sur le crocodile, le courant est capté par la brosse et va alimenter un témoin lumineux ainsi qu'un avertisseur sonore dans la cabine de conduite qui déclenche un son grave continu (klaxon) jusqu'à l'acquittement par le conducteur ou freinage d'urgence sans réaction de sa part dans un délai de 5 secondes.
- signal ouvert : la tension est inversée, le crocodile est au négatif, le rail positif et le dispositif embarqué déclenche en cabine un coup de timbre bref (ding) pour informer le conducteur du bon fonctionnement de la répétition des signaux.
Le dispositif du type "optique à simple répétition sonore" est apparu vers 1992 :
- signal fermé : une lampe témoin LS-SF (Lampe Signalisation Signaux Fermés) s'allume sur le pupitre de conduite lorsque le conducteur vigile le signal à distance, puis clignote au franchissement du signal avec déclenchement du son grave (klaxon) pour rappeler à l'agent de conduite qu'il a franchi un signal fermé.
signal ouvert : aucun signal sonore en cabine lors du franchissement.
La répétition sonore n'existe plus en France à de très rares exceptions près.
La brosse de contact (une seule par engin dans la majorité des cas) est muni de cinq languettes d'une longueur de 29 centimètres et n'a subi que peu d'évolution depuis 1938. Sa forme définitive est adoptée en 1960. La brosse à languettes et la brosse à poils métalliques ont cohabité jusqu'en 1938. La SNCF décide de conserver la technologie de la brosse à languettes vers la fin des années 50 – modèle antérieur à l'actuel – (mais la brosse à poils métalliques est encore utilisée sur différents réseaux étrangers).
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(Source : Extrait pages 6 et 7 Référentiel Établissement Public de Sécurité Ferroviaire – SAM E 901 – édition du 04/07/2012 – version n° 2 du 23/05/2014).
Le crocodile (contact fixe de la voie selon la terminologie officielle) est une pièce métallique de forme allongée, isolée électriquement et installée horizontalement sur des cales, généralement fixées au sol dans l'axe de la voie et parallèlement aux rails à 90 m/m au-dessus du plan de roulement et 15 mètres avant le signal. Avant 1970, seule existait la Répétition des Signaux par crocodile.
Il comporte une partie active composée de lames ondulées ajourées dans le sens de la longueur pour éviter une usure irrégulière de la brosse et la formation de glace avec le risque d'isolation électrique au passage de la brosse de contact (1) (à l'origine, le patin était plein et non ondulé). La partie active est prolongée de part et d'autre par des extrémités inclinées vers le bas, dénommées boucliers, formant une rampe pour permettre la montée progressive des brosses de contact des engins de traction. Dans les boucliers asymétriques, le bouclier le plus long doit être abordé en premier. Afin d'éviter qu'un objet traînant puisse s'introduire sous le bouclier, on dispose un blochet protecteur en bois devant les boucliers. Cette pièce de bois est taillée en plan incliné. Les blochets ne sont actuellement plus approvisionnés et sont progressivement remplacés par un dispositif dit "simplifié" composé d'une plaque de plastique fixée sur le bouclier.
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(1) Afin d'améliorer le contact brosse/crocodile en saison froide, les inventeurs Colas et Beauvais ont testé sur le réseau de la Compagnie de l'Est un crocodile à pétrolage automatique. Ce système permet l'écoulement d'une fine couche de pétrole sur la partie supérieure du crocodile afin d'éviter les gelées.
L'implantation du crocodile se fait au plus près du signal auquel il se rapporte tout en respectant une distance minimale (à partir de l'axe de la patte aval du crocodile) de 19,50 mètres en amont du joint bloqueur . Ce dernier est positionné entre 12 et 18 mètres en aval du signal, le crocodile se trouve donc entre 1,50 et 7,50 mètres en amont du signal. Le crocodile ne doit pas être implanté dans une voie en courbe de rayon inférieur à 250 mètres. Les signaux sur des voies parcourues à une vitesse inférieure ou égale à 40 km/h ne sont pas équipés de crocodiles. Le crocodile d'essais de pleine voie qui permet aux agents de conduite de vérifier le fonctionnement de l'appareil enregistreur sur certaines lignes (2), doit être installé 50 mètres en aval du tableau "CRO".
(2) les dispositions figurant au chapitre 1 relatives aux crocodiles d'essais de pleine voie n'intéressent que les région Sud Est et Méditerranée. Elles cesseront d'être en vigueur dès que l'application de la double répétition sera achevée sur toutes les régions (Notice Techn VB123C n°4 : "Contacts fixes de la voie dit "crocodiles" – 1960).
Le blochet protecteur en bois :
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Le crocodile 1939 asymétrique :
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La longueur du crocodile et son emplacement varient suivant son utilisation. Il existe des modèles :
Classiques (longueur 5,20 mètres), installés en pleine voie.
Asymétriques 1939 (longueur 5,20 mètres) mais la longueur des boucliers diffère à chaque extrémité (l'une de 1750 mm et l'autre de 700 mm). Ce modèle n'est plus fabriqué de nos jours.
Courts (longueur 2,30 mètres environ) principalement implantés dans les dépôt (test), sur des voies parcourues à des vitesses inférieures à 60 km/h ou lorsque les contraintes dimensionnelles n'autorisent pas l'installation d'un crocodile de longueur traditionnelle (par exemple en zone d'aiguilles successives). Il doit exister une norme qui fixait à l'origine la durée minimum de frottement de la brosse sur la partie active du crocodile (à confirmer).
C. Delarnaque