Salut à tous,
J'ai mis un peu d'ordre dans mes notes et je vous propose, en plusieurs parties, ce petit sujet se rapportant aux traverses bois. Suite aux nombreux "copier/coller" et malgré les relectures, la présence de quelques fautes d'orthographe ou d'infos erronées est possible. Merci d'apporter vos commentaires, renseignements complémentaires et corrections .
Pour identifier clairement la destination finale du bois réservé au service de la Voie, par rapport à l'utilisation au Matériel (pièces pour wagons : planchers, panneaux, frises et débits divers), le chemin de fer emploie le terme de "bois sous rails". Cette appellation regroupe différents types de produits, principalement les traverses, mais également d'autres composants techniques à usages très spécifiques pour la réalisation des divers appareils de voies ainsi que les supports bois destinés aux ouvrages d'art (traverses et longrines qui transmettent les charges à l'infrastructure dans l'axe de la voie).
Placées perpendiculairement sous les deux files de rails, les traverses transmettent au ballast la charge des rails dont elles maintiennent l'écartement (1,435 m en alignement) et l'inclinaison (au 1/20e, vers l'intérieur). Le travelage standard SNCF est de 1 666 traverses au km (soit une tous les 0,60 m) mais, suivant la qualification de la voie, ce chiffre varie de 1 500 à 2 000 traverses par kilomètre (soit une traverse tous les 0,66 à 0,50 m), autorisant la circulation de véhicules ayant jusqu'à 22 t de charge par essieu. Les traverses bois SNCF mesurent généralement 2,60 m de long sur 0,25 m de large et 0,15 m d'épaisseur pour un poids approximatif de 80 kg (mais il s'en trouve de 2,40 m et 2,25 m alors que les bois d'appareils ont des longueurs variant de 2,60 m à 5,00 m). La section varie de 0,25 m par 0,15 m à 0,20 m par 0,12 m. Leur partie supérieure est entaillée aux endroits où seront fixés les rails : cette zone, qui porte le nom de table de sabotage, présente l'inclinaison requise pour le rail. Le bois retenu est, de préférence, un bois dur (chêne, hêtre, robinier – faux acacia – ou bois exotique) mais le charme, l'orme, le châtaignier et le pin ont été utilisés. Flexibles et simples de mise en œuvre, les traverses bois ont cependant une durée de vie réduite (de 20 à 30 ans) car elles pourrissent, d'où leur traitement chimique (généralement à la créosote, par imprégnation sous vide). Elles sont aussi susceptibles de se fendre, notamment aux extrémités. Elles sont alors renforcées aux abouts, à l'origine par des esses ou des boulons, ensuite par des frettes et fils ronds métalliques (suivant divers systèmes : Delors 1939, Durrenberger 1956, Fassetta 1971).
Aux origines du chemin de fer, les premiers rails reposent sur des dés en pierre. Il n'y a aucune liaison mécanique entre les deux files de rails pour maintenir un écartement constant, ce qui est une source d'insécurité et de déraillements (sur écartement suite à affaissement ou surcharge). L'utilisation du bois pour relier les rails et supporter la voie devient effective à partir de 1837, à l'initiative de Marc Seguin, pour se généraliser vers 1850.
Dès lors, pour prolonger au maximum la durée de vie de ces traverses bois, les différentes administrations ferroviaires vont s'appuyer sur les expériences et les études antérieures menées sur les traitements conservateurs des bois. L'imprégnation par des agents chimiques de préservation permet de retarder ou de prévenir les dégradations du bois exposé aux intempéries ou à l'action de divers organismes (champignons, insectes).
Un premier procédé d'imprégnation des bois est mis au point en 1831 par le docteur Auguste Boucherie de Bordeaux qui publie un mémoire sur ce sujet en 1840. Le principe, très simple, consiste à profiter de la force ascensionnelle de la sève pour faire pénétrer le liquide employé (pyrolignite de fer). En plongeant le pied de l'arbre coupé, mais non dégarni de ses branches, dans un réservoir rempli du liquide, et la circulation de la sève continuant pendant une quinzaine de jours après l'abattage, la substance préservatrice est entrainée dans toutes les parties du bois. Un des inconvénient de ce système primitif reste le coût résultant de la grande quantité de liquide à injecter.
Les études ont démontré vers 1838 que l'injection est identique sur l'arbre équarri : le tronc ébranché juste après l’abattage est alors posé selon un plan incliné (pied en haut et cime côté sol). Un système sommaire, retenu par des crocs, entoure le pied d’une étoupe en assurant un espace dans lequel s’écoule une solution de sulfate de cuivre placée dans une cuve en hauteur. Le liquide de couleur bleu suit le parcours de la sève qu'il remplace, et lorsqu’il sort à l’autre bout, le poteau est considéré comme traité, bien que cette méthode n’imprègne que partiellement le bois. Parallèlement au sulfate de cuivre, Boucherie emploie différents produits qu’il injecte directement dans les arbres, comme l’acide pyroligneux, le chlorure de calcium pyrolignité ainsi que le chlorure double de sodium et de mercure.
Le chimiste anglais John Howard Kyan (1774-1850), après des années d'expérimentation, obtient en 1832 un brevet pour le traitement par trempage du bois avec du chlorure de mercure. Le Français Jean-Robert Bréant (1774-1850), vérificateur général des essais de la Monnaie de Paris, développe un procédé de conservation du bois en 1833 par imprégnation du bois d’huile de lin à l’aide d’un autoclave, c’est-à-dire une cuve se fermant hermétiquement sous l’effet d’une pression interne.
De nombreux autres produits destinés à prévenir la destruction des bois sont également utilisés : l'acide fluorhydrique dilué, l'acétate de plomb, l'acétate de cuivre, le sulfate de cuivre (1), le bichlorure de mercure, le chlorure de zinc (Allemagne, Autriche, Russie), l'arséniate de cuivre ammoniacal (ACA), l'arséniate de cuivre et de zinc ammoniacal (ACZA), le mélange de sels métalliques (CCA) comprenant du cuivre (fongicide = anti-champignons), de l'arsenic (insecticide) et du chrome (fixateur du cuivre et de l'arsenic, dé-lavables en milieu humide), le mélange de créosote et de chlorure de zinc (2) et la créosote.
(1) Appliqué au hêtre par la Compagnie PLM jusque vers 1875, on injectait par traverse 24 à 32 kg d'une solution contenant 15 kg de sulfate de cuivre par m3 (soit en moyenne 0,470 kg de sulfate de cuivre par traverse). La vérification s’effectue par réactif : la solution (90 g de cyanoferrure de potassium dissous dans 1 litre d’eau) est étendue sur le bois (une ou deux traverses d’essai sont mises à nu) et doit donner une coloration rouge bien apparente. Une coloration simplement rosée est réputée insuffisante. (Source RGCF Revue Générale des Chemins de Fer février 1895)
(2) Compagnie des chemins de fer de l'État, à raison de 31 litres de chlorure de zinc et de 46 litres de créosote par m3 d'eau et absorption faite jusqu'à saturation. (Source RGCF février 1895 et janvier 1898)
Le chapitre suivant sera consacré à la créosote.
Cordialement,