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Les bois sous rails : les traverses

Dans cette rubrique on discute autour des trains réels des infrastructures, et de tout ce qui touche au monde ferroviaire à l'échelle 1:1 !

Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar c.delarnaque » 16 Juin 2024, 18:26

Salut à tous,

L'entaillage et le perçage sont effectués avant l'imprégnation pour éviter de détruire ensuite la couche protectrice apportée par le traitement. Cependant, en 1965, certains réseaux (Hongrie, Yougoslavie et Suède) ne percent pas les traverses avant leur imprégnation. D'autre part, la SNCF perce ses traverses de part en part alors que les chemins de fer allemand, autrichien, danois, néerlandais, polonais et portugais ne les percent qu’en partie afin d’éviter tout contact direct entre les tirefonds et le ballast, et ainsi prévenir une éventuelle pénétration d'humidité dans le bois ou la possible infiltration d'impuretés par le dessous.

L'entaillage (le terme de "sabotage" est employé jusqu'au milieu du XXème siècle pour la pose du rail double champignon sur coussinet alors que celui "d'entaillage" est réservé à la pose du rail Vignole sur patin). consiste a réaliser sur le dessus de la traverse les découpes destinées à recevoir le patin du rail ou la semelle. Ces zones d'appui déterminent l'écartement des deux files de rails et leur inclinaison (au 1/20e à la SNCF, soit un angle de 2°51'42"). Les réservations entaillées pour les lignes d’un réseau en particulier ne sont donc pas forcément compatibles avec d'autres réseaux de chemin de fer. Les entaillages ont évolué au cours du temps en fonction des différents profils de rails utilisés et des nouveaux systèmes de fixation. Il existe actuellement 111 entaillages différents qui peuvent être réalisés en 8 écartements : 1435 mm, 1437 mm, 1440 mm, 1445 mm, 1450 mm, 1455 mm, 1460 mm et 1465 mm soit près de 880 possibilités théoriques différentes.

Chaque entaille possède un symbole de repère, mais il n'est toutefois pas prévu de clou pour indiquer le type d'entaillage. La position des entailles assure l'écartement des rails de 1,435 m (traverses béton et 1,437 m – écartement de conception – traverses bois en alignement) à 1,465 m (suivant le rayon de courbe). En France, depuis la création de la SNCF, les valeurs de l'écartement en fonction du rayon des courbes sont unifiés :

1,437 m pour les rayons supérieurs ou égaux à 600 m,
1,445 m pour les rayons compris entre 600 m et 400 m,
1,455 m pour les rayons compris entre 400 m et 200 m,
1,465 m pour les rayons inférieurs à 200 m.

On peut distinguer 4 types d'entaillages :

 avec entaille horizontale pour la pose DC, les trous ne sont pas percés,
 avec entaille inclinée au 1/20e pour pose de rail Vignole rigide avec attache élastique,
 avec entaille horizontale pour selle inclinée au 1/20e pour rail Vignole,
 avec entaille inclinée au 1/20e pour pose rail Vignole avec attache élastiques (Griffon ou Nabla).

Le perçage quant à lui permet de placer sur les traverses la fixation du rail pour solidariser ces deux éléments (des crampons à l'origine, remplacés par la suite par des tirefonds).

Les traverses de raccord permettant le passage entre 2 écartements ne sont percées que d'un seul côté, l'autre s'effectuant au moment de la pose. En Angleterre, le sur écartement dans les courbes de moins de 200 m de rayon ne dépasse pas 19 mm alors qu'en Allemagne, le sur écartement est de 5 mm pour les courbes de 300 à 250 m de rayon, 10 mm pour celles de 250 à 160 m de rayon et 15 mm pour les rayons inférieurs à 160 m.

En 1898, le tire fond à pas de 12 mm et à tête carrée tel que nous le connaissons fait son apparition. Il n'a subi que peu de changement jusqu'à aujourd'hui, si ce n'est dans les diamètres et les longueurs. Un nouveau modèle, à  filet variable, a été créé en 1955 et remplace complètement l'ancien depuis 1980. Ce nouveau type de filet de largeur progressive permet donc un meilleur ancrage dans le bois et une étanchéité par coincement. La tête plate porte un relief (3V), témoin qui s'écrase si le tire fond est enfoncé avec un marteau au lieu d'être vissé avec une clé.

Pour les voies armées U 33, U 36, U 39, U 78 et U 80 on utilise en principe des tire fonds de 23 mm de diamètre et 115 mm de longueur en pose sans selle. En pose U 33, U 36 et U 39 avec selle, on utilise des tire fonds de 21 mm à collet de 23 mm de diamètre et 135 mm de longueur. Pour la voie U 80 posée sur selles à table inclinée, on utilise des tire fonds de 21 mm à collet de 23 mm de diamètre mais leur longueur est de 145 mm à l'intérieur de la voie et de 155 mm à l'extérieur. Des tire fonds de 26 mm sont éventuellement utilisés en pose sans selle, pour consolider les attaches lorsque les tire fonds de 23 mm ne tiennent plus suffisamment dans les trous des traverses. La même opération de consolidation peut-être réalisée en pose sur selles en remplaçant les tire fonds de 21 à collet de 23 de 135 mm de longueur par des tire fonds de 23 x 135. La longueur est de 215 mm pour les traverses bois (dit platelage) des passages à niveaux.

Prochainement : l'inclinaison au 1/20e et l'identification des traverses. Cordialement,
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Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar c.delarnaque » 20 Juin 2024, 18:31

Salut à tous,

Dans le domaine ferroviaire, le calage des roues fixes sur l'axe (corps d'essieu) est à la base du principe de guidage. La roue est guidée par la face latérale du rail car elle est munie côté intérieur de la voie d'un boudin (rebord cylindrique faisant saillie entre 0,025 m et 0,035 m – Charles Couche – Voie, matériel roulant et exploitation technique des chemins de fer 1867-1876) qui limite le débattement de l'essieu par rapport au rail. Ce suivi de la voie évite ainsi le déraillement du matériel roulant. Grâce à la solidarité des deux roues sur un même essieu, l'écartement constant est assuré tout en offrant une plus grande résistance aux efforts latéraux. L'ensemble rigide des éléments assemblés (roues et corps d'essieu) forme un "essieu monté".

Sans trop entrer dans les détails techniques, quelques remarques sur la conicité de la table de roulement des roues et l'inclinaison du rail. Si les bandages étaient cylindriques et les rails verticaux, les roues pourraient se déplacer transversalement dans la limite du jeu de la voie, sans que rien ne tende à les ramener dans leur position moyenne. La conicité, c'est à dire l’inclinaison sur l’horizon de la génératrice en contact avec le rail, est de 1/20e à la SNCF, soit un angle de 2°51'42". Cette conicité de la surface de roulement appartient à un cône ayant son sommet à l'extérieur de la voie. Pour que le bandage de la roue repose normalement sur le rail, il faut que ce dernier soit incliné du même angle sur la verticale, vers l’intérieur de la voie.

Ces deux dispositions complémentaires du matériel roulant et du matériel fixe permettent à l'essieu, en alignement droit, de garder une position présumée perpendiculaire à l'axe de la voie en le recentrant dynamiquement par gravité entre les rails. En courbe, du fait des rayons différents des deux files de rails et de la solidarité des deux roues, le chemin parcouru par la roue extérieure est plus grand que celui effectué par la roue intérieure. Si les tables de roulement étaient cylindriques, un phénomène de glissement se produirait. Avec la conicité, ce patinage s'atténue (sans pour autant disparaître totalement), car sous la poussée de la force centrifuge, l'essieu se déporte légèrement vers l'extérieur de la courbe et les cercles de roulements des deux roues prennent alors des diamètres différents. Sur la plus courte distance à parcourir, le cercle de roulement de la roue intérieure se réduit tandis qu'il augmente pour l'autre roue qui parcourt la plus longue distance.

La conicité assure, dans une certaine mesure, le même rôle qu'un différentiel sur un essieu automobile. La comparaison est cependant toute relative : l'adaptation reste imparfaite pour correspondre vraiment aux différents rayons de courbes rencontrés puisque cette conicité – d'une seule pente – correspond à un rayon de 500 m. La partie supérieure du champignon du rail n'est pas plane, mais courbe, de l'ordre de 200 mm de rayon pour un rail U33, U36 ou U39 (46, 50 et 55 kg au mètre).

(20) Conicité.jpg
(20) Conicité.jpg (135.67 Kio) Consulté 3192 fois


Or, si la conicité semble être le fruit de l'expérience et le résultats de savants calculs, elle est pratiquée dès l'origine du chemin de fer, mais pour une question plus pratique. Marc Seguin évoque dans son ouvrage "De l’influence des chemins de fer et de l’art de les tracer et de les construire" (ligne de Lyon à Saint-Étienne – Éditions Pitrat – Lyon 1839) les problèmes de démoulage des roues qui sont venues de fonderie et qui ont de la difficulté à quitter les "coquilles" dans laquelle elles sont moulées, d'où la nécessité d'une conicité.

Le matériel remorqué Espagnol Talgo est équipé de roues indépendantes (type automobile). A noter également qu'un système articulé (système Arnoux) pour les courbes de faibles rayons a circulé (1864/1890) sur le Chemin de fer de Sceaux. Mis au point par Jean-Claude-Républicain Arnoux (ingénieur polytechnicien 1792-1866) en 1838, le dispositif Arnoux repose sur deux principes : d'une part, les essieux sont mobiles autour d’une cheville ouvrière fixée sous la caisse et d'autre part, les roues (montées libres sur les fusées) d’un même essieu sont indépendantes l’une de l’autre. Le glissement de la roue sur le rail est ainsi supprimé. Cependant, victime de son écartement exclusif (1751 mm), de ses trop modestes performances faces aux réalisations concurrentes, mais surtout du coût (achat et maintenance) de son matériel spécifique, le système Arnoux est abandonné après la reconstruction de la ligne entre 1883 et 1891 avec un tracé et écartement plus classiques. Photo d'une maquette du matériel Arnoux au Copef (Cercle Ouest Parisien d'Études Ferroviaires) :

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A suivre, l'identification des traverses bois; Cordialement,
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Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar c.delarnaque » 25 Juin 2024, 09:44

Salut à tous,

Si dès 1860 les fondateurs du chemin de fer songent déjà à la traçabilité de la traverse bois, l'emploi du clou repère ne se généralise qu'à partir de 1868 au sein des différentes administrations ferroviaires. Il facilite l'identification et le suivi de la traverse pour pouvoir rapidement connaître :

 le millésime (date de traitement),
 l'atelier de fabrication,
 l'écartement de la voie suivant la largeur de l'entaillage (sabotage),
 la longueur de la traverse pour les appareils de voie ou du platelage pour les passages à niveau.

Des coupelles embouties avec 3 ou 4 points d'ancrage dans la traverse (crampons "Troipics" et "Quadripics, surnommés "capsules de bière") complètent le dispositif et indiquent :

 l'essence de bois utilisée,
 le type de tire fond correspondant au perçage réalisé,
 l'écartement de la voie ainsi que d'autres indications techniques spécifiques plus difficiles a interpréter.

Ces identifiants se trouvent plantés sur la face supérieure de la traverse, le plus souvent entre les deux tables d'entaillage, mais aussi parfois sur le flanc de l’une de ses extrémités. La traverse est généralement muni de plusieurs repères (clous ou coupelles embouties) qui portent diverses inscriptions gravées, en chiffres ou en lettres. En fait, ces identifications visibles sur les traverses en place sur la voie ne sont que d'une moindre utilité pour la maintenance. Ces repères sont bien plus importantes pour les besoins de stockage en atelier ou sur les parcs de secours. L'agent du service de la Voie dispose d'autres ressources pour s'informer si nécessaire de l'historique de ce matériel fixe en situation sur le terrain.

Les différentes formes de têtes de clous dépendent à la fois de la date de leur mise en service, du réseau d'origine et des renseignements qu'ils apportent. En effet, il y a des clous de forme carrée, ronde, triangulaire (pointe en haut ou vers le bas), ou carrée sur pointe (losange/hexagonale). Les chiffres et de lettres frappés sur le dessus, seuls ou en association et combinaison, définissent l'information.

Le clou de millésime est la référence de l'année de créosotage. Il est généralement de forme carrée, parfois triangulaire, et porte les deux derniers chiffres de l'année de traitement de la traverse. Le clou doit répondre à certaines exigences, comme par exemple à la compagnie des chemins de fer de l'EST (RGCF mars 1898) :

(23) Clou millésime EST RGCF Mars 1898.jpg
(23) Clou millésime EST RGCF Mars 1898.jpg (343.4 Kio) Consulté 3168 fois


Clous millésime des années 1937 et 1938 :

(24) Clous millésime.jpg
(24) Clous millésime.jpg (201.26 Kio) Consulté 3168 fois


Le marquage actuel de l'année sur la traverse bois est une gravure de l'année :

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(25) marquage 1999.jpg (13.99 Kio) Consulté 3168 fois


A suivre, cordialement,
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Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar c.delarnaque » 26 Juin 2024, 20:50

Salut à tous,


La seconde indication d'importance portée sur la traverse est l'identité de l'atelier de préparation d'origine, régional ou privé, repérée par un clou qui en porte le signe conventionnel, symbolisé par des lettres. On retrouve ainsi très facilement le nom du chantier de traitement (frettage, sabotage) et d'imprégnation de la traverse. Les ateliers "régionaux" de la SNCF sont un héritage des anciennes grandes compagnies de chemins de fer :

Ateliers régionaux.jpg
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Le clou repère d’identification se présente sous la forme carrée "sur pointe" (losange) pour les traverses traitées par un atelier régional (SNCF) et de forme triangulaire dans le cas de traverses "fourniture", c'est à dire de traverses livrées "prêtes à l'emploi", traitées dans un atelier privé. Depuis le début des années 80, on trouve également des clous de forme carrée. Alors que l'identification des bois sous rails est consignée dans une notice générale de l'Équipement, seuls les clous de millésime et repères d'ateliers doivent répondre à la spécification technique n° 525. Quelques exemplaires de clous repères d'ateliers régionaux de forme losangée (Biars-Bretenoux, Collonges lès Premières, Port d'Atelier et Surdon) :

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(26) Clous ateliers régionaux.JPG (278.37 Kio) Consulté 3217 fois


Ainsi qu'un assortiment de clous repères d'ateliers privés de forme triangulaire :

 AG : Achille Gaillard – Oissel (76) ou St Florentin (89)
 BI : Bois Imprégnés SA – Mées (40)
 BS : Arnaud Beaunartin – St Médard d'Eyrans (33)
 CS : Carel et Fouché – La Ferté Hauterive (03), Entressen (13), Courbessac (30), Villenave d'Ornon (33), Thourotte (60), Sarliève Cournon (63)

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Autres exemples de clous repères d'ateliers privés – a noter la forme carrée de la tête du dernier clou, par rapport aux formes triangulaires caractéristiques des autres ateliers privés :

 MT : Beynay puis Satib – Marthon (16)
 PM : Rollin et Dupret – Paray le Monial (71)
 SA : Société Marnaise d'Imprégnation – Reims (51)

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(28) Clous ateliers privés triangle et carré.JPG (327.37 Kio) Consulté 3217 fois


Au titre des exceptions qui confirment la règle, une série de clous repères d'ateliers privés dont la tête est de forme losangée :

 AG : Achille Gaillard – Oissel (76) ou St Florentin (89)
 BI : Bois Imprégnés SA – Mées (40)
 BS : Arnaud Beaunartin – St Médard d'Eyrans (33)
 CS : Carel et Fouché – La Ferté Hauterive (03), Entressen (13), Courbessac (30), Villenave d'Ornon (33), Thourotte (60), Sarliève Cournon (63)

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Les fournisseurs privés sont identiques à ceux référencés sur les clous de forme triangulaire. La forme différente pour un même atelier précise peut-être la position géographique des chantiers (exemple AG dans les départements 76 et 89) ? Pourtant, dans le cas du clou BI, un seul atelier situé dans les Landes : la différence de forme de clous est elle en lien avec un changement de raison sociale ? L'exemple du fournisseur Arnaud Beaunartin ne dissipe pas le mystère. La combinaison des lettres varie pour désigner certains sites, mais l'association BL est commune pour trois ateliers pourtant différents :

 BA : Tergnier (02)
 BS : St Médard d'Eyrans (33) – têtes de formes triangulaire et carrée sur pointe
 BE : Escalquens (31)
 BL : Landébia (22)
 BL : Pierroton (33)
 BL : Langogne (48)
 BN : Neuf Brisach (68)

Encore un échantillon de clous d'ateliers privés (forme de tête losangée) de différents autres fournisseurs :

 GZ : Léglise – Gazinet (33)
 HB : Société d'imprégnation des bois – Brebières (62)
 LB : Le Poteau Moderne – Blois (41)
 MT : Beynay puis Satib – Marthon (16)

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(30) Clous ateliers privés losange.JPG (287.3 Kio) Consulté 3217 fois


La liste des fournisseurs privés est loin d'être complète. En effet, 4 400 fabricants de traverses (3 600 pour la filière chêne et 800 pour celle du pin) se partagent le marché en 1946. Certains n'ont eu qu'une activité éphémère dans le domaine, d'autres ont opté pour la reconversion ou été rachetés par la concurrence. De modestes négociants en bois ont approvisionné la SNCF en bois sous rails comme par exemple Jules Marie Aristide Olympe Sauce qui en 1932, construit une usine à Dampierre (39) pour fabriquer et traiter à la créosote des traverses de chemins de fer. Actuellement, les traverses ne sont plus fabriquées à l'usine et l'activité se limite à la préparation (entaillage et perçage) ainsi qu'à l'imprégnation (avec de la créosote de Lorraine) pour une clientèle privée.

Un autre exemple avec la Compagnie Française des Établissements Gaillard. L’atelier d’Angoulins (17) est l’un des nombreux que possède sur la France cette compagnie créée en 1909 à Béziers (34) par l’industriel Achille Gaillard (1859-1935). Une "réclame" des Établissements Gaillard vers 1920 :

(31) Pub Gaillard vers 1920.jpg
(31) Pub Gaillard vers 1920.jpg (116.98 Kio) Consulté 3217 fois


Le 15 novembre 1929, sous couvert du grand patron Achille Gaillard, Marcel Poupon (1893-1976), originaire des Deux-Sèvres, ingénieur et directeur des ateliers de Saint-Florentin dans l’Yonne, sollicite de la Préfecture de La Rochelle une autorisation d’installer et d’exploiter un atelier de créosotage "en notre chantier d’Angoulins-sur-Mer". Le Conseil d’Hygiène de la Charente-Inférieure ayant émis un avis favorable, le préfet André Bouffard signe l’arrêté d’exploitation le 18 mars 1930.

L'atelier va s'installer au nord de la gare d'Angoulins et développer son activité jusqu'à la seconde guerre mondiale. Par deux décisions du ministre Edouard Daladier en mai et août 1939, l’atelier devient la propriété du ministère de la Défense Nationale et de la Guerre le 10 mai 1940. Devant le préfet de La Charente-Inférieure, François Pierre-Alype, un acte de vente est signé entre le Lieutenant-Colonel Froissart, chef militaire du génie de Bordeaux et Etienne Chichet, fondé de pouvoirs d’Achille Gaillard. L’atelier devient un centre de stockage de l’armée. Après guerre, et par décret du 19 juillet 1948, le centre de stockage devient un camp militaire du génie.

Cette très grande entreprise a donc traversé le vingtième siècle. Son champ d’action est vaste et couvre l'achat et exploitation de forêts, la transformation des arbres en grumes, pieux, sciages, poteaux télégraphiques et électriques, traverses de chemin de fer, étais de mines, bois de pâte, piquets, bois de chauffage, treillage en bois, grillages, grilles et portails en métal. En 2006, la société est acquise par la Foncière Saint-Honoré, les deux fusionnent en 2007 et l’ensemble prend le nom de Bleeker (Source : Jean-François Charpentier : raconte-moi Angoulins).

A suivre : les clous et coupelles embouties pour identifier l'écartement de la voie et l'essence de bois;

Cordialement,
C. Delarnaque
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Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar c.delarnaque » 29 Juin 2024, 10:33

Salut à tous,

Le clou repère d'écartement possède une tête de forme ronde portant l'inscription des deux derniers chiffres de l'écartement réel pour lequel la traverse est entaillée. Cependant, il existe quelques clous, plus rares, affichant l'inscription complète à quatre chiffres de l'écartement. A la place de clous traditionnels, des coupelles embouties à crampons d'ancrage installées sur les traverses remplissent le même office. Les écartements pour les traverses bois sont de 1437 mm, 1440 mm, 1445 mm, 1450 m, 1455 mm, 1460 mm et 1465 mm en fonction du rayon de la courbe. Ainsi par exemple, dans les courbes de 300m de rayon, les rails sont posés avec un écartement de 1450 mm. Ci-dessous, un assortiment de clous repères d'écartement :

(32) Clous ronds écartement.JPG
(32) Clous ronds écartement.JPG (317.92 Kio) Consulté 3163 fois


et des modèles de coupelles embouties à crampons d'ancrage dans la traverse. A droite, pour un écartement de 1455 mm et pour tire fond à Filet Variable (55/FV) :

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(33) Coupelles embouties 3 crampons écartement.JPG (354.55 Kio) Consulté 3163 fois


Diverses informations techniques et spécifiques du bois sont reportées sur les traverses. Les essences de bois exotique fourni par le Consortium Forestier et Maritime des Grands Réseaux entre 1921 et 1972 sont ainsi précisées par un clou à tête de forme carrée comportant un numéro de référence de l'essence. Toutes ces essences sont donc répertoriées par un numéro repère :

1 Ozouga, 2 Alep, 4 Eveuss, 5 Tali, 6 Bilinga, 7 Kévazingo, 9 Azobé, 15 Dina, 18 lroko, 22 Douka, 23 Movingui, 24 Miama, 25 Coula, 26 Padouk, 28 Oboto, 29 Ebontzock et 30 Palétuvier.

Suite aux différents tests de l'époque ou la rareté de l'espèce sur les sites forestiers, certaines essences sont éliminées de l'exploitation. Le code de référence pour désigner l'essence du bois exotique se limite alors à un seul chiffre de 1 à 9 (donc pas de confusion possible avec le clou de millésime, de tête de forme identique). Cette indication est utilisée jusque dans les années 1960, puis l'emploi de bois exotiques se réduisant, et ceux-ci présentant des structures significatives, le besoin de clou repère pour les reconnaître n'est plus nécessaire. Photos suivantes clous 1 Ozouga et 9 Azobé :

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(35) Clous carré essence exotique.jpg
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Concernant les essences de bois indigènes, ce sont des coupelles embouties à crampons d'ancrage qui indiquent (avec des lettres) les principales caractéristiques ou particularités des traverses :

 N : traverse en chêne du Nord,
 AN : traverses en hêtre d'altitude abattu normalement (en période hors sève du 15/10 au 31/03),
 AS : traverse en hêtre d'altitude abattu en sève (du 01/04 au 14/10),
 F : traverse fluorée,
 SC : traverse en pin imprégnée au sulfate de cuivre, puis trempées dans la créosote,
 COB : traverse imprégnée aux sels Cobra.

(36) Coupelles embouties 3 crampons essence bois.JPG
(36) Coupelles embouties 3 crampons essence bois.JPG (349.61 Kio) Consulté 3163 fois


Les bois utilisés pour les appareils de voie (aiguille ou croisement) sont répertoriés par un clou repère à tête ronde mentionnant, par association d'un chiffre et d'une lettre, la section et la longueur de la traverse. Sous la dénomination "châssis" sont regroupés les bois de croisement pour les aiguilles :

(37) Bois Appareils de voie.jpg
(37) Bois Appareils de voie.jpg (708.36 Kio) Consulté 3163 fois


Les bois de platelage pour les passages à niveau sont repérés par un clou à tête gravé de deux lettres suivies d'un chiffre. A l'occasion de travaux de maintenance du réseau, les platelages bois sont remplacés par des éléments en caoutchouc vulcanisé :

(38) PN 70 Chambourg sur Indre (direction Tours).jpg
(38) PN 70 Chambourg sur Indre (direction Tours).jpg (344.33 Kio) Consulté 3163 fois


Malgré mes nombreuses recherches, recoupements d'informations et questions posées sur divers sites et blogs internet (malheureusement restées sans réponses), mon résumé sur les bois sous rails est très certainement incomplet. Quelques mystères subsistent encore aujourd'hui comme par exemple la signification des exemplaires suivants, récupérés, comme tous ceux en ma possession, sur des traverses usagées et déposées en bordure de la voie.

(39) Clous ronds signification inconnue.JPG
(39) Clous ronds signification inconnue.JPG (330.84 Kio) Consulté 3163 fois


Le clou repère V63 se trouvait sur une traverse en apparence entière, non recoupée, possédant 3 tables d'entaillage selon le croquis relevé sur place :

(40) Entaillage traverse clou V63.jpg
(40) Entaillage traverse clou V63.jpg (21.14 Kio) Consulté 3163 fois


Peut-être un rail de sécuriré ? (contre-rail qui limite les conséquences d'un déraillement – chute d'un pont, heurt d'installation fixe : pile sous un ouvrage d'art). Sur la dernière image, ultime énigme, j'ai prélevé le clou à tête carrée 01 sur une traverse de la ligne à voie métrique non loin de la gare du Chambon sur Lignon (42). Faute de présence de personnel sur place (hors saison estivale), j'ai interrogé par courriel l'association mais n'ai reçu aucun retour. Quant au dernier clou rond, je n'ai pas la certitude de son origine ferroviaire. Je suis tout simplement incapable de définir le sens de "lecture" du pictogramme (horizontal ou vertical) et bien évidemment j'ignore totalement sa réelle signification. Cédé par une connaissance dont le père travaillait chez France Télécom, il s'agit peut-être d'un clou repère de poteau.

(41) Clous repères énigme.JPG
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Mon intérêt pour ce côté méconnu du chemin de fer et ma "collection" de quelques modèles suscite toujours des réactions diverses au sein de mon entourage. Cela va de l'indifférence aimablement affichée aux moqueries amicales en passant par l'interrogation curieuse ou encore les réflexions ironiques : "et que vas-tu en faire ?, A quoi cela te sert-il ?" "C'est un peu comme la date du couronnement de Charlemagne, ce n'est pas très inutile dans la vie courante", "Pas facile de placer le sujet dans une conversation ...". Mais rien qui puisse me déranger, j'assume.

En publiant ici, mon intention de partage primait sur le désir de vouloir briller en société ou d'épater la galerie. J'espère seulement vous avoir fait découvrir cet aspect un peu caché du monde ferroviaire. Un ami m'ayant même complimenté du qualificatif flatteur de "grand malade", je souhaite cependant ne pas vous avoir contaminé avec mon virus.

Cordialement,
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Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar alain.trinquet » 30 Juin 2024, 16:08

J'ai suivi les différents épisodes de cette série sur les bois sous rails que j'ai trouvé passionnants. J'ignorais par exemple que l'écartement était différent en fonction du rayon de courbure et que les rails étaient inclinés, ce qui après réflexion, se justifie.
L'historique de la provenance et des traitements des bois est également très intéressante.

Encore merci maître Delarnaque pour ce partage.
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alain.trinquet
 
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Re: Les bois sous rails : les traverses

Messagepar c.delarnaque » 01 Juillet 2024, 08:27

Merci Alain et de rien. Bien content que tu aies apprécié le “feuilleton“.

Cordialement,
C. Delarnaque
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